Le coup d’État qui se déroule au Soudan, où le premier ministre et son cabinet sont arrêtés et le gouvernement dissous, est la dernière crise en date d’une période agitée pour le pays. En plus des tensions politiques, l’économie soudanaise traverse une crise profonde, avec une inflation élevée et des pénuries de nourriture, de carburant et de médicaments. Le coup d’État alarme de nombreuses puissances internationales qui n’ont que récemment noué des relations avec le Soudan après des années d’isolement.
Quel est le contexte du coup d’État ?
Les dirigeants militaires et civils se partagent le pouvoir depuis août 2019 après le renversement du président autoritaire de longue date du Soudan, Omar el-Béchir. Bachir a été renversé par les militaires, mais des manifestations de rue massives réclamant un régime civil ont forcé les militaires à négocier un plan visant à passer à un gouvernement démocratique. Le pays est maintenant censé être dans cette transition, avec des civils et des militaires dirigeant ensemble le pays au sein d’un comité conjoint connu sous le nom de Conseil souverain. Mais les deux groupes ont été publiquement en désaccord.
Qu’est-ce qui se cache derrière cette tension ?
Les chefs militaires du gouvernement de transition ont exigé des réformes de la part de leurs homologues civils et ont demandé le remplacement du cabinet. Cela a été rejeté comme une prise de pouvoir par les dirigeants civils. Plusieurs coups d’État ont échoué depuis 2019, le plus récent datant du mois dernier.
La principale figure civile, le Premier ministre Abdallah Hamdok, a blâmé les loyalistes de Bachir – dont beaucoup seraient intégrés dans l’armée, les services de sécurité et d’autres institutions de l’État. Ces dernières semaines, des manifestants pro-armée ont été amenés par bus dans la capitale Khartoum, et de grandes contre-manifestations spontanées ont soutenu le premier ministre. Les manifestants pro-militaires ont accusé le gouvernement de ne pas avoir réussi à relancer le pays.
Les mesures prises par M. Hamdok pour réformer l’économie – notamment la réduction des subventions aux carburants – ont été impopulaires auprès de certains. La fragilité politique du Soudan a un long précédent. Au cours des décennies précédentes, l’éclatement des partis politiques et leur incapacité à dégager un consensus ont, à maintes reprises, ouvert la voie à l’intervention des militaires, qui ont monté des coups d’État sous le prétexte de rétablir l’ordre, comme l’écrit l’analyste régional Magdi Abdelhadi. Aujourd’hui au Soudan, il existe au moins 80 partis politiques. Le même factionnalisme a touché le Conseil souverain, où les divisions internes entre les camps militaire et civil ont rendu le consensus politique encore plus difficile à atteindre.
Que se passe-t-il maintenant ?
Le chef du Conseil souverain a prononcé un discours annonçant l’état d’urgence et dissolvant à la fois le cabinet et le conseil. Le général Abdel Fattah Abdelrahman Burhan a également déclaré que des élections seraient organisées en juillet 2023.
Le Premier ministre Hamdok aurait été détenu par des soldats plus tôt dans la journée, ainsi que plusieurs autres ministres. Il semble également que les sièges de la télévision et de la radio d’État aient été repris par les militaires. L’accès à Internet a également été restreint. L’Union africaine, les Nations unies et l’Union européenne, ainsi que la Ligue arabe et les États-Unis, ont exprimé leur profonde inquiétude face au coup d’État de lundi.
Que pourrait-il se passer ensuite ?
Selon la page Facebook du ministère de l’information, le Premier ministre a appelé la population à sortir pour soutenir le gouvernement. Des images et des rapports en provenance de Khartoum montrent des manifestants dans la ville. Les militaires sont également déployés pour restreindre les mouvements. En juin 2019, avant l’accord sur la transition démocratique, des soldats ont ouvert le feu sur des manifestants à Khartoum, tuant au moins 87 personnes. Les souvenirs de ce massacre joueront dans l’esprit des gens alors que les deux camps s’affrontent.
Situation sur le terrain
Selon France Info, des milliers de réfugiés et une situation humanitaire catastrophique. Près de dix jours après le début des combats au Soudan, le 15 avril, le pays est plongé dans le chaos. L’armée du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant du Soudan depuis le putsch de 2021, affronte les paramilitaires de son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo, qui commande les Forces de soutien rapide (FSR). Les deux belligérants ont conclu un cessez-le-feu qui doit débuter mardi et durer 72 heures, ont annoncé les Etats-Unis lundi 24 avril dans la soirée.
Un cessez-le-feu annoncé
Le chef de la diplomatie américaine, Anthony Blinken, a annoncé, lundi dans la soirée, la conclusion d’un cessez-le-feu censé débuter à minuit, mardi, et durer 72 heures. C’est le résultat de 48 heures de négociations, a-t-il expliqué dans un communiqué. Un peu plus tôt, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, avait réclamé une trêve pour « éloigner le Soudan du précipice » et éviter une extension du conflit aux pays voisins.
« Durant cette période, les Etats-Unis s’attendent à ce que l’armée et les FSR respectent pleinement et immédiatement ce cessez-le-feu », a ajouté Anthony Blinken qui, sur Twitter, a salué l’engagement des deux parties à « travailler (…) pour une cessation permanente des hostilités et pour des dispositions humanitaires ».
De nombreux pays évacuent leurs ressortissants
L’heure est à la fuite pour une grande partie des citoyens et diplomates étrangers coincés au Soudan. Bien que des explosions et tirs n’aient pas cessé de résonner dans le pays ce weekend, les capitales étrangères sont parvenues à négocier des passages avec les deux belligérants. Les Etats-Unis ont ainsi évacué leur personnel diplomatique se trouvant à Khartoum, la capitale soudanaise, lors d’une opération héliportée, a annoncé le président Joe Biden samedi soir. « Plusieurs dizaines d’Américains font partie d’un convoi de l’ONU qui se dirige vers le port du Soudan par voie terrestre », a précisé lundi un porte-parole de la Maison Blanche. Plus de mille ressortissants de l’Union européenne (UE) ont été évacués du Soudan lors d’une « opération complexe », a également fait savoir lundi le chef de sa diplomatie Josep Borrell.
L’Arabie saoudite, l’Allemagne, l’Irlande, l’Italie, la Tunisie, la Libye, la Jordanie, l’Irak, le Liban, les Philippines, le Nigéria, l’Afrique du Sud, le Tchad, le Liban, la Jordanie, l’Irak, l’Egypte, la Turquie, la Suisse, la Norvège, l’Espagne ou encore la Chine ont par ailleurs annoncé avoir entrepris l’évacuation de leurs ressortissants ou projettent de le faire prochainement.
La Corée du Sud et le Japon ont pour leur part programmé dès vendredi l’envoi d’avions militaires pour procéder aux évacuations. En Indonésie, le gouvernement dit prendre « toutes les mesures nécessaires » et l’Inde assure enfin travailler « pour assurer le déplacement en toute sécurité des Indiens bloqués ». Au Royaume-Uni, le gouvernement essuie quant à lui de nombreuses critiques de sa gestion de la crise, alors que lundi, seuls quelques Britanniques ont pu quitter le Soudan lors de différentes missions d’évacuation menées par d’autres pays, dont la France.
La France ferme son ambassade, l’ONU reste au Soudan
La France a pour sa part évacué près de 491 personnes, dont 196 Français, en assurant depuis dimanche plusieurs rotations aériennes entre Khartoum et Djibouti, a déclaré lundi la diplomatie française, qui a annoncé ensuite la fermeture de son ambassade « jusqu’à nouvel ordre ». La communauté française au Soudan compte « 250 personnes », a expliqué dimanche sur franceinfo la porte-parole du Quai d’Orsay, « mais la totalité des ressortissants ne souhaite pas quitter le pays ». L’ambassade n’est plus « un point de regroupement » pour ceux qui souhaitent fuir les combats dans la capitale soudanaise, a précisé la porte-parole du ministère. Le personnel diplomatique « poursuivra ses activités depuis Paris, sous la responsabilité de l’ambassadrice ».
L’ONU a pour sa part fait savoir que son émissaire au Soudan, Volker Perthes, restait dans le pays, tandis que des centaines de ses employés avaient été évacués à Port-Soudan, sur la côte épargnée par les violences. « L’ONU ne planifie pas de quitter le Soudan », a-t-il annoncé.
Un bilan humain déjà lourd et des milliers de personnes déplacées
Le bilan humain, encore très provisoire, s’élève à plus de 420 morts et 3 700 blessés, selon les estimations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) communiquées samedi (en anglais). « Il y a eu 14 attaques contre le personnel de santé, tuant huit personnes et en blessant deux », précise le communiqué. « Les médecins sont souvent incapables d’accéder aux blessés et les blessés ne peuvent pas atteindre les installations », a déploré sur Twitter le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Vendredi, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), agence de l’ONU, a annoncé la mort d’un de ses humanitaires, victime d’un échange de tirs au sud d’El Obeid. Avant cela, trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués au Darfour, dans l’ouest du pays, dès le premier jour des combats, le 15 avril. Dans le même temps, l’ONU dénonce « des pillages, des attaques et des violences sexuelles contre des humanitaires », qui se dérouleraient depuis le début du conflit.
Selon Jérôme Tubiana, chercheur spécialiste du Soudan et conseiller aux opérations de Médecins sans frontières (MSF), qui s’exprimait au micro de France info dimanche, les travailleurs humanitaires qui ont perdu la vie dans ce conflit « semblent plutôt être des victimes collatérales », comme dans tout conflit, mais « les ONG peuvent être des cibles », nuance-t-il. Ces violences ont déjà déplacé des dizaines de milliers de personnes vers d’autres régions du Soudan, ou vers le Tchad, le Soudan du Sud et l’Egypte. Avant les combats, Le Caire accueillait déjà près de cinq millions de Soudanais, qui fuient la pauvreté ou la violence, alors que les deux pays.
Synthèse : Œil de civinewsguinée. (sources BBC et France Infos)